Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/43

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Oui, elle est fort passée, mais je pense qu’elle a été assez jolie, dit encore la dame en continuant, et comme dit sa sœur, elle a bien cinquante ans ; il n’a pas tenu à moi tantôt qu’elle ne fût de beaucoup plus jeune ; car je la faisais de mon âge pour la rendre plus excusable. Si j’avais pris le parti de sa sœur aînée, je vous aurais nui auprès du président, mais je n’ai eu garde.

J’ai bien remarqué, lui dis-je, la protection que vous m’accordiez, madame. Il est vrai, reprit-elle que je me suis assez ouvertement déclarée ; cette pauvre cadette, je me mets à sa place, elle aurait eu trop de chagrin de vous perdre, toute vieille qu’elle est ; et d’ailleurs je vous veux du bien.

Hélas ! madame, repris-je d’un air naïf, j’en dirais bien autant de vous, si je valais la peine de parler. Hé ! pourquoi non ? répondit-elle ; je ne néglige l’amitié de personne, mon cher enfant, surtout de ceux qui sont à mon gré autant que vous, car vous me plaisez ; je ne sais, mais vous m’avez prévenue en votre faveur ; je ne regarde pas à la condition des gens, moi ; je ne règle pas mon goût là-dessus.

Et quoiqu’elle glissât ces dernières paroles en femme qui prend les mots qui lui viennent, et qui n’a pas à s’observer sur ce qu’elle pense, la force du discours l’