Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/50

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fissent tort à ceux que je devais à Mlle Habert, rien dans mon esprit n’avait changé pour elle, et j’allais la revoir aussi tendrement qu’à l’ordinaire ; j’étais ravi d’épouser l’une, et de plaire à l’autre, et on sent fort bien deux plaisirs à la fois.

Mais avant que de me mettre en chemin pour retourner chez ma future, j’aurais dû faire le portrait de cette déesse que je venais de quitter ; mettons-le ici, il ne sera pas long.

Vous savez son âge ; je vous ai dit qu’elle était bien faite, et ce n’est pas assez dire ; j’ai vu peu de femmes d’une taille aussi noble, et d’un aussi grand air.

Celle-ci se mettait toujours d’une manière modeste, d’une manière pourtant qui n’ôtait rien à ce qui lui restait d’agréments naturels.

Une femme aurait pu se mettre comme cela pour plaire, sans être accusée de songer à plaire ; je dis une femme intérieurement coquette ; car il fallait l’être pour tirer parti de cette parure-là, il y avait de petits ressorts secrets à y faire jouer pour la rendre aussi gracieuse que décente, et peut-être plus piquante que l’ajustement le plus déclaré.

C’était de belles mains et de beaux bras sous du linge uni : on les en remarque mieux là-dessous, cela les rend plus sensibles.

C’était un visage un peu ancien, mais encore beau, qui aurait paru vieux avec une cornette de prix, qui ne paraissait qu’aimable avec une cornette toute simple. C’est le négliger trop, que de l’orner si peu, avait-on envie de dire.