Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mettez-vous là ; mais cette taille, comme elle est bien prise ! cette tête, ces cheveux : en vérité, il est trop beau pour un homme, la jambe parfaite avec cela ; il faut apprendre à danser, la Vallée, n’y manquez pas ; asseyez-vous. Vous voilà on ne peut pas mieux, ajouta-t-elle en me prenant par la main pour me faire asseoir.

Et comme j’hésitais par respect : Asseyez-vous donc, me répéta-t-elle encore, du ton d’une personne qui vous dirait : Oubliez ce que je suis, et vivons sans façon.

Eh bien, gros garçon, me dit-elle, je songeais à vous, car je vous aime, vous le savez bien ; ce qu’elle me dit avec des yeux qui expliquaient sa manière de m’aimer : oui, je vous aime, et je veux que vous vous attachiez à moi, et que vous m’aimiez aussi, entendez-vous ?

Hélas ! charmante dame, lui répondis-je, avec un transport de vanité et de reconnaissance, je vous aimerai peut-être trop, si vous n’y prenez garde.

Et à peine lui eus-je tenu ce discours, que je me jetai sur sa main qu’elle m’abandonna, et que je baisais de tout mon cœur.

Elle fut un moment ou deux sans rien dire, et se contenta de me voir faire ; je l’entendis seulement respirer d’une manière sensible, et comme une personne qui soupire un peu. Parle donc, est-ce que tu m’aimes tant ? me dit-elle pendant que j’avais la tête baissée sur cette main ; eh ! pourquoi crains-tu de m’aimer trop, explique-toi, la Vallée, qu’est-ce que tu veux dire ?