Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 5.djvu/15

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ERGASTE

Que veux-tu donc dire ?

FRONTIN

Comme il faut du temps pour dire des paroles et que nous étions très pressés, elle mit, ainsi que je vous l'ai dit, des regards à la place des mots, pour aller plus vite ; et se tournant de mon côté avec une douceur infinie : oui, mon fils, me dit-elle, sans ouvrir la bouche, je m'y rendrai, je te le promets, tu peux compter là-dessus ; viens-y en pleine confiance, et tu m'y trouveras. Voilà ce qu'elle me dit ; et que je vous rends mot pour mot, comme je l'ai traduit d'après ses yeux.

ERGASTE

Va, tu rêves.

FRONTIN

Enfin je l'attends ; mais vous, Monsieur, pensez-vous que la maîtresse veuille revenir ?

ERGASTE

Je n'ose m'en flatter, et cependant je l'espère un peu. Tu sais bien que notre conversation fut courte ; je lui rendis le gant qu'elle avait laissé tomber ; elle me remercia d'une manière très obligeante de la vitesse avec laquelle j'avais couru pour le ramasser, et se démasqua en me remerciant. Que je la trouvai charmante ! Je croyais, lui dis-je, partir demain, et voici la première fois que je me promène ici ; mais le plaisir d'y rencontrer ce qu'il y a de plus beau dans le monde m'y ramènera plus d'une fois.