Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 5.djvu/24

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ERGASTE

Comment ? Est-ce que sa maîtresse lui a parlé de moi ?

FRONTIN

Si elle en a parlé ! On ne tarit point, tous les échos du pays nous connaissent, on languit, on soupire, on demande quand nous finirons, peut-être qu'à la fin du jour on nous sommera d'épouser : c'est ce que j'en puis juger sur les discours de Lisette, et la chose vaut la peine qu'on y pense. Clarice, fille de qualité, d'un côté, Lisette, fille de condition, de l'autre, cela est bon : la race des Frontins et des Ergastes ne rougira point de leur devoir son entrée dans le monde, et de leur donner la préférence.

ERGASTE

Il faut que l'amour t'ait tourné la tête, explique-toi donc mieux ! Aurais-je le bonheur de ne pas déplaire à Clarice ?

FRONTIN

Eh ! Monsieur, comment vous expliquez-vous vous-même ? Vous parlez du ton d'un suppliant, et c'est à nous à qui on présente requête. Je vous félicite, au reste, vous avez dans votre victoire un accident glorieux que je n'ai pas dans la mienne : on avait juré de garder le célibat, vous triomphez du serment. Je n'ai point cet honneur-là, moi, je ne triomphe que d'une fille qui n'avait juré de rien.

ERGASTE

Eh ! dis-moi naturellement si l'on a du penchant pour moi.