Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 9.djvu/28

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péril pour moi ; et la confusion où je suis de ma faiblesse, et les efforts que je fais pour combattre, et la résolution de ne vous plus voir, tout est empoisonné, tout devient amour dès que j’y songe. Ô ciel ! que je suis égarée ! qu’une femme à ma place est à plaindre d’avoir pris de l’amour ! quelle punition pour elle que le plaisir qu’il lui fait ! Grâce au ciel, j’y renonce à ce plaisir, je le déteste ; je vais redevenir vertueuse, je retrouverai le plaisir que j’avais à l’être. Oui, monsieur, mon parti est pris, je ne vous verrai plus. Il ne fallait que deux mois pour vous l’écrire, et je n’avais pas dessein de vous en marquer davantage ; mais je l’ai tenté inutilement dans quatre lettres que j’ai toutes rebutées. Voici la moins honteuse pour moi, que je vous envoie ; c’est presque vous les envoyer toutes, que vous avouer que je les ai écrites ; mais après ce qui m’est échappé dans celle que vous lisez, je ne puis guère me faire de nouveaux affronts. D’ailleurs, puisque je ne vous verrai plus, et que je rentre dans mon devoir, les peines que je vais souffrir satisferont bien à mes fautes. Mais, ne finirai-je jamais ? ce que je dis ne ressemble point à ce que je veux dire. Je pense que je ne veux plus aimer, et toujours je répète que j’aime. N’importe, n’espérez rien d’un sentiment involontaire ; ce n’est plus moi qui aime ; je ne suis plus coupable ; peut-être je ne l’ai jamais été ; c’est vous qui l’étiez, c’est la faiblesse que vous m’aviez donnée, c’est mon cœur qui ne dé-