Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que de beaux petits drames il a inventés ainsi ! que de romans il a ébauchés ! aujourd’hui c’est un père qui gémit sur l’ingratitude de son fils, et dans ces quelques pages vous retrouvez en germe toute la comédie des Deux Gendres. Le lendemain, c’est une femme vertueuse qui se sépare de l’homme qu’elle adore. Plus loin, c’est une amante abusée qui dit adieu au séducteur, adieu à son père : « Adieu, mon père, j’espère que ma mort calmera votre colère. » Dans ces contes il y en a un intitulé le Philosophe solitaire, le sage Anacharsis y joue son rôle ; c’est un peu le commencement de la Chaumière indienne. Les Mémoires d’une coquette retirée du monde composent une des plus jolies histoires que Marivaux ait inventées. Il est là tout entier, malin, amoureux et railleur. Cette femme, quand elle sent que les années commencent à la prendre, et qu’elle va entrer dans l’âge où l’on ne sait plus quel âge on a, se donne toutes sortes de fatigues et de peines pour rappeler un semblant de jeunesse. Que de fatigues pour avoir une figure galante ! comment se coiffer ? quel habit mettre ? quels rubans ? quelles couleurs ? Pour remplacer la grêle et leste jeunesse, arrive, d’un pas pesant et d’un air rubicond, maître embonpoint ; dans cette transformation nouvelle cette femme se trouve encore aimable. Alors survient la vieillesse à son tour. Autant de terreurs infinies que cette femme raconte à merveille. Il y a aussi l’Histoire d’un miroir ; et à propos de ce miroir, Marivaux entreprend une dissertation littéraire d’un goût excellent. Il y parle de Louis XIV, de Chapelain, de Racine, de Lamothe, son ami, qui était un excellent homme. » On l’a mis, dit Marivaux, bien au-dessous de sa place naturelle ; et si vous voulez savoir pourquoi, c’est qu’il était bon à tout : ce qui est un