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Mademoiselle Varthon et quelques religieuses étaient autour de mon lit ; la première paraissait extrêmement triste.

J’ai donc été bien mal ? leur dis-je d’une voix faible et presque éteinte, et je vous ai sans doute causé bien de la peine ? Oui, ma fille, me répondit madame de Miran ; il n’y a personne ici qui ne vous ait donné des témoignages de son bon cœur ; mais, grâces au ciel, vous voilà échappée.

Mademoiselle Varthon s’approcha, me serra avec amitié le bras que j’avais hors du lit, et me dit quelque chose de tendre, à quoi je ne répondis que par un souris et par un regard qui lui marquait ma reconnaissance. Deux jours après, je fus entièrement hors de danger, je n’avais plus de fièvre ; il me restait seulement une grande faiblesse qui dura longtemps. Madame de Miran n’avait eu la permission de me voir qu’en conséquence de l’extrême péril où je m’étais trouvée, et elle s’abstint d’entrer dès qu’il fut passé ; mais j’omets une chose.

Le lendemain du jour où je reconnus ma mère, je fis réflexion que je pouvais redevenir tout aussi malade que je l’avais été, et que je n’en réchapperais peut-être pas. Je songeai ensuite à ce contrat de rente que m’avait laissé M. de Climal. À qui appartiendrait-il, si je mourais ? me disais-je : il serait sans doute perdu pour la famille et la justice, aussi bien que la reconnaissance, veulent que je le lui rende.

Pendant que cette pensée m’occupait, il n’y avait qu’une sœur converse dans ma chambre. Mademoiselle Varthon, qui ne me quittait presque pas, n’était point encore venue, et peut-être pas levée. Les religieuses étaient au chœur, et je me voyais libre.

Ma sœur, dis-je à cette converse, on a désespéré de ma vie ces jours passés ; ma fièvre est beaucoup diminuée, mais il n’est point sûr qu’elle ne me reprenne pas avec la même violence. À tout hasard, faites-moi le plaisir de me soulever un peu, et de m’apporter de quoi écrire deux lignes, qu’il est absolument nécessaire que j’écrive.