Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/8

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l’amour, choses qu’à la rigueur on peut connaître par son propre cœur. Il fut le peintre de l’amour fin, galant et spirituel. Peut-être s’avisa-t-il qu’après Molière c’est ce qui restait à faire, Molière s’étant attaché à peindre les grands vices et les grands travers humains et n’ayant traité de l’amour que d’une façon très sommaire. Aussi est-ce beaucoup plus à Racine qu’à Molière qu’il faut rattacher Marivaux. Marivaux est l’élève de Racine. Il est psychologue plutôt que moraliste, comme Racine, et, comme Racine, il est surtout le psychologue des passions de l’amour. Seulement Racine étudie l’amour dans toute son intensité et pour ainsi dire à son apogée et presque toujours excité et fouetté par la jalousie. Marivaux aime à le peindre dans ses commencements, dans ses premières démarches hésitantes quand il s’ignore encore ou commence seulement à prendre conscience de lui-même. Il est le peintre des aurores et des aubes de l’amour. Il aime à peindre les amoureux qui s’interrogent eux-mêmes sur leur passion naissante et qui sont inquiets et surpris de ses premiers mouvements. Il n’y a pas de « coup de foudre » dans Marivaux et il semble bien, même, qu’il n’y croit pas. Il y a les premières émotions, les premiers frémissements intérieurs presque insensibles, de l’inclination qui naît ou plutôt qui va naître, quelque chose qui n’est pas encore l’amour, mais