Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/126

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plaira ; que m’importe que vos bras soient croisés ou ne le soient pas ?

Arlequin.

Par la sambille ! j’enrage. Maudit esprit lunatique, que je te donnerais de grand cœur un bon coup de poing, si tu ne portais pas une cornette !

Colombine, riant.

Ah ! je vous entends. Vous m’aimez ; j’en suis fâchée, mon ami ; le ciel vous assiste !

Arlequin.

Mardi ! oui, je t’aime ; mais, laisse-moi faire. Tiens, mon chien d’amour s’en ira ; je m’étranglerais plutôt. Je m’en vais être ivrogne ; je jouerai à la boule toute la journée ; je prierai mon maître de m’apprendre le piquet ; je jouerai avec lui ou avec moi ; je dormirai plutôt que de rester sans rien faire. Tu verras, va ; je cours tirer bouteille pour commencer.

Colombine.

Tu mériterais que je te fisse expirer de pur chagrin, mais je suis généreuse. Tu as méprisé toutes les suivantes de France en ma personne ; je les représente. Il faut une réparation à cette insulte. À mon égard, je t’en quitterais volontiers ; mais je ne puis trahir les intérêts et l’honneur d’un corps si respectable pour toi. Fais-lui donc satisfaction ; demande-lui à genoux pardon de toutes tes impertinences, et ta grâce t’est accordée.

Arlequin.

M’aimeras-tu après cette autre impertinence-là ?

Colombine.

Humilie-toi, et tu seras instruit.