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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/152

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tout ce qu’on m’apporte ; car je ne veux aujourd’hui ni déjeuner, ni dîner, ni souper ; demain la même chose. Je ne veux qu’être fâchée, vous haïr tous tant que vous êtes, jusqu’à tant que j’aie vu Arlequin, dont on m’a séparée. Voilà mes petites résolutions, et si vous voulez que je devienne folle, vous n’avez qu’à me prêcher d’être plus raisonnable ; cela sera bientôt fait.

Trivelin.

Ma foi, je ne m’y jouerai pas ; je vois bien que vous me tiendriez parole. Si j’osais cependant…

Silvia.

Eh bien ! ne voilà-t-il pas encore un cependant ?

Trivelin.

En vérité, je vous demande pardon ; celui-là m’est échappé, mais je n’en dirai plus, je me corrigerai. Je vous prierai seulement de considérer…

Silvia.

Oh ! vous ne vous corrigez pas ; voilà des considérations qui ne me conviennent point non plus.

Trivelin.

… que c’est votre souverain qui vous aime.

Silvia.

Je ne l’empêche pas, il est le maître ; mais faut-il que je l’aime, moi ? Non ; il ne le faut pas, parce que je ne le puis pas. Cela va tout seul, un enfant le verrait, et vous ne le voyez pas.

Trivelin.

Songez que c’est sur vous qu’il fait tomber le choix qu’il doit faire d’une épouse entre ses sujettes.