Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/160

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Flaminia.

Saurais-tu, avec une adresse naïve et modeste, inspirer un tendre penchant à quelqu’un en lui témoignant d’en avoir pour lui ; et le tout pour une bonne fin ?

Lisette.

Mais j’en reviens à ma mouche ; elle me paraît nécessaire à l’expédition que tu me proposes.

Flaminia.

N’oublieras-tu jamais ta mouche ? Non, elle n’est pas nécessaire. Il s’agit ici d’un homme simple, d’un villageois sans expérience, qui s’imagine que nous autres femmes d’ici sommes obligées d’être aussi modestes que les femmes de son village. Oh ! la modestie de ces femmes-là n’est pas faite comme la nôtre ; nous avons des dispenses qui le scandaliseraient. Ainsi ne regrette plus ces mouches, et mets-en la valeur dans tes manières ; c’est de ces manières que je te parle ; je te demande si tu sauras les avoir comme il faut ? Voyons, que lui diras-tu ?

Lisette.

Mais, je lui dirai… Que lui dirais-tu, toi ?

Flaminia.

Écoute-moi ; point d’air coquet d’abord. Par exemple, on voit dans ta petite contenance un dessein de plaire ; oh ! il faut en effacer cela ; tu mets je ne sais quoi d’étourdi et de vif dans ton geste ; quelquefois c’est du nonchalant, du tendre, du mignard ; tes yeux veulent être fripons, veulent attendrir, veulent frapper, font mille singeries ; ta tête est légère ; ton menton porte au vent ; tu cours après un air jeune, galant et dissipé. Parles-tu aux gens, leur réponds-tu ? tu prends de certains tons, tu te sers d’un certain langage, et le tout fine-