Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/315

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on va vous rappeler. (Au chevalier.) Pour vous, chevalier, j’ai encore un mot à vous dire avant notre lecture ; il s’agit d’un petit éclaircissement qui ne vous regarde point, qui ne touche que moi, et je vous demande en grâce de me répondre avec la dernière naïveté sur la question que je vais vous faire.

Le Chevalier.

Voyons, madame, je vous écoute.

La Marquise.

Le comte m’aime, je viens de le savoir, et je l’ignorais.

Le Chevalier, ironiquement.

Vous l’ignoriez ?

La Marquise.

Je dis la vérité ; ne m’interrompez point.

Le Chevalier.

Cette vérité-là est singulière.

La Marquise.

Je n’y saurais que faire, elle ne laisse pas que d’être ; il est permis aux gens de mauvaise humeur de la trouver comme ils voudront.

Le Chevalier.

Je vous demande pardon d’avoir dit ce que j’en pense : continuons.

La Marquise, impatiente.

Vous m’impatientez ! Aviez-vous cet esprit-là avec Angélique ? Elle aurait dû ne vous aimer guère.

Le Chevalier.

Je n’en avais point d’autre ; mais il était de son goût, et il a le malheur de n’être pas du vôtre, cela fait une grande différence.