Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/321

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chevalier ; je ne saurais convenir que je suis folle, par exemple…

Le Chevalier.

Vous, madame ? Eh ! n’êtes-vous pas exceptée ? cela s’en va sans dire, et c’est la règle.

La Marquise.

Je ne suis point tentée de vous remercier ; poursuivons.

Hortensius lit.

« Puisque la raison est un si grand bien, n’oublions rien pour la conserver ; fuyons les passions qui nous la dérobent ; l’amour est une de celles… »

Le Chevalier.

L’amour ! l’amour ôte la raison ? cela n’est pas vrai ; je n’ai jamais été plus raisonnable que depuis que j’en ai pour Angélique, et j’en ai excessivement.

La Marquise.

Vous en aurez tant qu’il vous plaira, ce sont vos affaires, et on ne vous en demande pas le compte. Mais l’auteur n’a point tant de tort ; je connais des gens, moi, que l’amour rend bourrus et sauvages, et ces défauts-là n’embellissent personne, je pense.

Hortensius.

Si monsieur me donnait la licence de parachever, peut-être que…

Le Chevalier.

Petit auteur que cela, esprit superficiel…

Hortensius, se levant.

Petit auteur, esprit superficiel ! Un homme qui cite Sénèque pour garant de ce qu’il dit, ainsi que vous le verrez plus bas, folio 24, chapitre v !