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Scène première

ÉRASTE, LISETTE.
Lisette.

Oui, vous voilà fort bien déguisé, et avec cet habit-là, vous disant mon cousin, je crois que vous pouvez paraître ici en toute sûreté. Il n’y a que votre air qui n’est pas trop d’accord avec la livrée.

Éraste.

Il n’y a rien à craindre. Je n’ai pas même, en entrant, fait mention de notre parenté. J’ai dit que je voulais te parler, et l’on m’a répondu que je te trouverais ici, sans m’en demander davantage.

Lisette.

Je crois que vous devez être content du zèle avec lequel je vous sers. Je m’expose à tout, et ce que je fais pour vous n’est pas trop dans l’ordre ; mais vous êtes un honnête homme, vous aimez ma jeune maîtresse, elle vous aime. Je crois qu’elle sera plus heureuse avec vous qu’avec celui que sa mère lui destine, et cela calme un peu mes scrupules.

Éraste.

Elle m’aime, dis-tu, Lisette ? Puis-je me flatter d’un si grand bonheur ? Moi qui ne l’ai vue qu’en passant dans nos promenades, qui ne lui ai prouvé mon amour que par mes regards, et qui n’ai pu lui parler que deux fois pendant que sa mère s’écartait avec d’autres dames ; elle m’aime ?