Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/445

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Frontin.

Ce n’est pas de l’entretien que je doute ; mais à quoi aboutira-t-il ? Angélique est une Agnès élevée dans la plus sévère contrainte, et qui, malgré son penchant pour vous, n’aura que des regrets, des larmes et de la frayeur à vous donner. Est-ce que vous avez dessein de l’enlever ?

Éraste.

Ce serait un parti bien extrême.

Frontin.

Et dont l’extrémité ne vous ferait pas grand’peur, n’est-il pas vrai ?

Lisette.

Pour nous, Frontin, nous ne nous chargeons que de faciliter l’entretien, auquel je serai présente ; mais de ce qu’on y résoudra, nous n’y trempons point, cela ne nous regarde pas.

Frontin.

Oh ! si fait, cela nous regarderait un peu, si cette petite conversation nocturne que nous leur ménageons dans la salle était découverte ; d’autant plus qu’une des portes de la salle aboutit au jardin, que du jardin on va à une petite porte qui rend dans la rue, et qu’à cause de la salle où nous les mettrons, nous répondrons de toutes ces petites portes-là qui sont de notre connaissance. Mais, tout coup vaille pour se mettre à son aise, il faut quelquefois risquer son honneur. Il s’agit d’ailleurs d’une jeune victime qu’on veut sacrifier, et je crois qu’il est généreux d’avoir part à sa délivrance, sans s’embarrasser de quelle façon elle s’opérera. Monsieur payera bien, cela grossira ta dot, et nous ferons une action qui joindra l’utile au louable.