Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/463

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ne lui appartient point ; elle n’est point à sa place ordinaire, ou bien j’ai vu la pareille à quelqu’un que je connais.

Frontin.

C’est peut-être une physionomie à la mode, et La Ramée en aura pris une.

Lisette.

Voilà bien, en effet, les discours d’un butor comme toi, Champagne. Est-ce qu’il n’y a pas mille gens qui se ressemblent ?

Champagne.

Cela est vrai ; mais que son visage appartienne à ce qu’il voudra, je ne m’en soucie guère ; chacun a le sien. Il n’y a que vous, mademoiselle Lisette, qui n’avez celui de personne, car vous êtes plus jolie que tout le monde ; il n’y a rien de si aimable que vous.

Frontin.

Halte-là ! laisse ce minois-là en repos. Ton éloge le déshonore.

Champagne.

Ah ! monsieur Frontin, ce que j’en dis, c’est en cas que vous n’aimiez pas Lisette, comme cela peut arriver ; tout le monde n’est pas du même goût.

Frontin.

Paix ! vous dis-je ; car je l’aime.

Champagne.

Et vous, mademoiselle Lisette ?

Lisette.

Tu joues de malheur, car je l’aime.