Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/520

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Frontin.

Ce qu’elle en dit ? que c’est fort bien fait à vous.

Le Chevalier.

Jé continuerai dé bien faire. Adieu.

Frontin.

Morbleu ! monsieur, vous n’y songez pas. Il faut revoir la marquise, entretenir son amour ; sans quoi vous êtes un homme mort, enterré, anéanti dans sa mémoire.

Le Chevalier, riant.

Eh ! eh ! eh !

Frontin.

Vous en riez ! Je ne trouve pas cela plaisant, moi.

Le Chevalier.

Qué mé fait cé néant ? Jé meurs dans une mémoire, jé ressuscite dans une autre ; n’ai-je pas la mémoire dé la Comtesse où jé révis ?

Frontin.

Oui, mais j’ai peur que dans cette dernière, vous n’y mouriez un beau matin de mort subite. Dorante y est mort de même, d’un coup de caprice.

Le Chevalier.

Non ; lé caprice qui lé tue, lé voilà ; c’est moi qui l’expédie ; j’en ai bien expédié d’autres, Frontin. Né t’inquiète pas ; la comtesse m’a reçu dans son cœur, il faudra qu’elle m’y garde.

Frontin.

Ce cœur-là, je crois que l’amour y campe quelquefois ; mais il n’y loge jamais.