Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/546

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Dorante.

Qu’a-t-elle fait ? J’ai de la peine à croire qu’il y ait quelque chose à redire à ses procédés.

La Comtesse.

Oh ! je vais vous faciliter le moyen de croire, moi.

Dorante.

Vous connaissez sa prudence…

La Comtesse.

Vous êtes un opiniâtre louangeur ! Eh bien ! monsieur, cette femme que vous louez tant, jalouse de moi parce que le chevalier la quitte, comme si c’était ma faute, va, pour m’attaquer pourtant, chercher de petits détails qui ne sont pas en vérité dignes d’une incomparable telle que vous la faites, et ne croit pas au-dessous d’elle de détourner un valet d’aimer une suivante. Parce qu’elle sait que nous voulons les marier, et que je m’intéresse à leur mariage, elle imagine, dans sa colère, une Marton qu’elle jette à la traverse ; et ce que j’admire le plus dans tout ceci, c’est de vous voir vous-même prêter les mains à un projet de cette espèce, vous-même, monsieur.

Dorante.

Eh ! pensez-vous que la marquise ait cru vous offenser, et qu’il me soit venu dans l’esprit, à moi, que vous vous intéressez encore à ce mariage ? Non, comtesse. Arlequin se plaignait d’une infidélité que lui faisait Lisette. Il perdait, disait-il, sa fortune. On prend quelquefois part aux chagrins de ces gens-là. La marquise, pour le dédommager, lui a, par bonté, proposé le mariage de Marton qui est à elle ; il l’a acceptée, l’en a remerciée : voilà tout ce qui en est.