Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/554

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lui parlant contre vous ; car je voudrais qu’elle ne vous aimât pas. Je vous l’avoue ; je ne trompe personne.

Frontin.

C’est du moins parler cordialement.

Le Chevalier.

Ah çà ! Lisette, dévénons amis.

Lisette.

Non ; faites plutôt comme moi, monsieur ; ne m’aimez pas.

Le Chevalier.

Jé veux qué tu m’aimes ; et tu m’aimeras, cadédis ! tu m’aimeras ; jé l’entréprends, jé mé lé promets.

Lisette.

Vous ne vous tiendrez pas parole.

Frontin.

Ne savez-vous pas, monsieur, qu’il y a des haines qui ne s’en vont point qu’on ne les paie pour cela ?

Le Chevalier.

Combien mé coûtera lé départ dé la tienne ?

Lisette.

Rien ; elle n’est pas à vendre.

Le Chevalier, lui présentant une bourse.

Tiens, prends, et la garde, si tu veux.

Lisette.

Non, monsieur ; je vous volerais votre argent.

Le Chevalier.

Prends, té dis-je, et mé dis seulement cé qué ta maîtresse projette.

Lisette.

Non ; mais je vous dirai bien ce que je voudrais