Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/68

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voilà-t-il pas des hommes en bel état après ? Des pauvres fous, des hommes troublés, ivres de douleur ou de joie, toujours en convulsion, des esclaves ! Et à qui appartiennent ces esclaves ? À des femmes. Et qu’est-ce que c’est qu’une femme ? Pour la définir il faudrait la connaître ; nous pouvons aujourd’hui en commencer la définition, mais je soutiens qu’on n’en verra le bout qu’à la fin du monde.

Arlequin.

En vérité, c’est pourtant un joli petit animal que cette femme, un joli petit chat ; c’est dommage qu’il ait tant de griffes.

Lélio.

Tu as raison, c’est dommage ; car enfin, est-il dans l’univers de figure plus charmante ? Que de grâces, et que de variété dans ces grâces !

Arlequin.

C’est une créature à manger.

Lélio.

Voyez ces ajustements : jupes étroites, jupes en lanterne, coiffure en clocher, coiffure sur le nez, capuchon sur la tête, et toutes les modes les plus extravagantes, mettez-les sur une femme ; dès qu’elles auront touché sa figure enchanteresse, c’est l’Amour et les Grâces qui l’ont habillée ; c’est de l’esprit qui lui vient jusques au bout des doigts. Cela n’est-il pas bien singulier ?

Arlequin.

Oh ! cela est vrai ! il n’y a, mardi ! pas de livre qui ait tant d’esprit qu’une femme, quand elle est en corset et en petites pantoufles.