Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/240

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dont elle est, celui du marquis doit être de son goût. La comtesse est une femme brusque, qui aime à primer, à gouverner, à être la maîtresse. Le marquis est un homme doux, paisible, aisé à conduire ; et voilà ce qu’il faut à la comtesse. Aussi ne parle-t-elle de lui qu’avec éloge. Son air de naïveté lui plaît ; c’est, dit-elle, le meilleur homme, le plus complaisant, le plus sociable ! D’ailleurs, le marquis est d’un âge qui lui convient ; elle n’est plus de cette grande jeunesse ; il a trente-cinq ou quarante ans, et je vois bien qu’elle serait charmée de vivre avec lui.

Le Chevalier.

J’ai peur que l’événement ne vous trompe. Ce n’est pas un petit objet que deux cent mille francs qu’il faudra qu’on vous donne si l’on ne vous épouse pas ; et puis, quand le marquis et la comtesse s’aimeraient, de l’humeur dont ils sont tous deux, ils auront bien de la peine à se le dire.

Hortense.

Oh ! moyennant l’embarras où je vais jeter le marquis, il faudra bien qu’il parle, et je veux savoir à quoi m’en tenir. Depuis le temps que nous sommes à cette campagne chez la comtesse, il ne me dit rien. Il y a six semaines qu’il se tait ; je veux qu’il s’explique. Je ne perdrai pas le legs qui me revient, au cas que le marquis refuse de m’épouser.

Le Chevalier.

Mais, s’il accepte votre main ?

Hortense.

Eh ! non, vous dis-je. Laissez-moi faire. Je