Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des aveugles. Toute la terre s’accorde à dire que vous êtes une des plus jolies femmes de France, je vous épargne le mot de belle, et toute la terre en a menti.

La Marquise.

Mais, Lisette, est-ce qu’on est sincère ? toute la terre est polie…

Lisette.

Oh ! vraiment, oui ; le témoignage d’un hypocondre est bien plus sûr.

La Marquise.

Il peut se tromper, Lisette ; mais il dit ce qu’il voit.

Lisette.

Où a-t-il donc pris des yeux ? Vous m’impatientez ; je sais bien qu’il y a des minois d’un mérite incertain, qui semblent jolis aux uns, et qui ne le semblent pas aux autres ; et si vous aviez un de ceux-là, qui ne laissent pas de distinguer beaucoup une femme, j’excuserais votre méfiance. Mais le vôtre est charmant ; petits et grands, jeunes et vieux, tout en convient, jusqu’aux femmes ; il n’y a qu’un cri là-dessus. Quand on me donna à vous, que me dit-on ? Vous allez servir une dame charmante. Quand je vous vis, comment vous trouvai-je ? charmante. Ceux qui viennent ici, ceux qui vous rencontrent, comment vous trouvent-ils ? charmante. À la ville, aux champs, c’est le même écho ; partout charmante. Que diantre ! y a-t-il rien de plus confirmé, de plus prouvé, de plus indubitable ?

La Marquise.

Il est vrai qu’on ne dit pas cela d’une figure ordinaire ; mais tu vois pourtant ce qui m’arrive ?