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LA RÉVOLUTION RUSSE

où la surexcitation a atteint son apogée, des scènes tragiques se déroulent à quelques pas de nous. Sur le petit pont qui traverse le canal, douze cadavres de gardavoïs, dépouillés de leurs vêtements, ont été exposés, nus ! On perquisitionne dans les maisons qui avoisinent la caserne, on parle d’incendier l’établissement de bains où quelques policiers résistent encore. Une femme affolée, qui a traversé la rue sous les balles et vu les cadavres des agents, nous assure qu’on tue même ceux qui se rendent.


Un sentiment d’horreur mêlé de curiosité nous ramène aux fenêtres. Et, tout à coup, nous voyons cette chose effroyable : une troupe de soldats avec le sabre au clair, d’ouvriers et de moujiks armés de revolvers, de matelots portant des fusils et de femmes exaltées, désigne le portail de notre cour. Le dwornik (portier) qui veut essayer d’en défendre l’entrée est injurié, malmené, écharpé à demi… Quelqu’un a prétendu que des policiers se sont réfugiés dans la maison, et cette centaine d’hommes armés, et dont quelques-uns sont pris d’alcool, s’arroge le