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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

chemin délaissé de leur bureau ; des juifs, logés dans les environs de la synagogue toute proche, aspirent avec plaisir l’air nouveau, beaucoup plus favorable pour eux que l’ancien ; des femmes, des jeunes filles trottinent dans la neige, haut bottées de feutre sous la jupe courte, regardées en dessous de marins ou de soldats qui flânent, la cigarette au bec, plaisir si nouveau qu’il garde presque la saveur du fruit défendu !

Béboussy nous accompagne, si drôlet sous son bonnet de peau de renne ! C’est sa première sortie depuis la révolution. Il marche à mon côté, gravement, ayant promis de ne pas sauter à pieds joints, selon son habitude, au beau milieu des tas de neige pour en mesurer la profondeur. Ses grands yeux bleus, ombrés de longs cils, errent curieusement sur toutes choses, puis se lèvent vers moi, calculable portée des événements auxquels son enfance est mêlée.

Près du pont, un orchestre de cuivre fait retentir la première phrase musicale de la Marseillaise. Les sons partent de la caserne