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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

Un trafic original se fait sur les ponts où l’on vend à vil prix des revolvers, des fusils, des sabres, des kortiks (épée courte) de marins, volés aux officiers, pris à l’Arsenal ou réquisitionnés sans droit dans les maisons.

Bien que les tramways ne fonctionnent pas encore, que les isvostchiks soient rares et d’un prix inabordable et que l’on commence à trouver bien long le chemin, nous poussons jusqu’à la place Znamenskaïa où eut lieu le choc sanglant du 26 février, entre l’armée et la police. La statue équestre de l’empereur Alexandre III, lourde et sans majesté d’ordinaire, et qui fut témoin de l’effroyable combat, se dresse, invisible et tragique, sous un revêtement d’étoffe rouge, comme si avait passé sur elle toute la vague de sang.

À Pétrogradskaïa-Stérana, à Viborskaïa-Stérana, où retentissent les sinistres clameurs de la faim, à Vassiliewsky-Ostrow et dans tous les quartiers ouvriers, l’effervescence n’est, paraît-il, pas calmée encore. Le chômage continue dans les usines. Des ivrognes traînent par les rues. On continue à traquer les derniers représentants, à poursuivre la police. Quelques coups de feu ont été échangés…