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Page:Marmette - François de Bienville, scènes de la vie canadienne au 17è siècle, 1870.djvu/151

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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

être chaudement reçues. Ce bruit distant de mousquetades se confondait avec les détonations plus bruyantes du canon, roulant de roche en roche, de vallons en vallons, pour s’aller perdre enfin dans les lointaines Laurentides comme le grondement d’un tonnerre décroissant.

Enfin, on entendait passer de temps à autre, au dessus de la ville, de rauques miaulements semblables à ceux d’un tigre en colère ; c’étaient les boulets anglais qui se frayaient dans l’air un bruyant passage.

Si le feu de la flotte était bien nourri, celui de nos cinq batteries ne l’était pas moins, ce qui étonnait beaucoup les Anglais. Car ayant capturé, près de l’île d’Anticosti, madame Lalande et mademoiselle Juliette,[1] les ennemis leur avaient demandé si Québec était bien défendu. Ces dames avaient dit que non, ajoutant même que le peu de canons qu’il y avait dans la place étaient démontés et à moitié enfouis dans la terre et le sable. Mais quand nos boulets de dix-huit et de vingt-quatre se mirent à hacher les cordages, à casser la mâture, à fracasser les bordages, à trouer la coque des vaisseaux et à massacrer leurs hommes, il leur fallut bien modérer la joie prématurée que la réponse de leurs prisonnières leur avait causée. Et faisant venir les dames, il leur montrèrent quelques-uns de nos projectiles en disant : « Sont-ce là les boulets de ces canons que vous disiez enterrés dans le sable. »[2]

Mais si l’on voit notre artillerie faire du dégât sur la flotte ennemie, il n’en faut pas conclure que les

  1. Cette demoiselle Joliette devait être une tante de la petite-fille de M. Joliette, le découvreur du Mississipi, laquelle épousa mon trisaïeul maternel, M. Jean Taché.
  2. Histoire de l’Hôtel-Dieu.