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FRANÇOIS DE BIENVILLE.

Anglais se tinrent coi sur la flotte, et levèrent enfin l’ancre et le siège le lendemain matin.[1]

Mais le malheur sembla vouloir rivaliser avec l’inexpérience[2] de Sir William Phips. Son vaisseau, si maltraité par nos boulets, faillit périr au-dessous de l’île d’Orléans. Une violente tempête assaillit la flotte dans le bas du fleuve où neuf bâtiments périrent avec leurs équipages. Quelques-uns des navires furent enfin poussés jusqu’aux Antilles par les vents du nord. Phips n’arriva à Boston avec les débris de sa flotte et de son armée que le dix-neuf de novembre, après avoir perdu, tant devant Québec que par les naufrages, près de neuf cents hommes.[3]

Cet insuccès discrédita Phips auprès de ses concitoyens. Nommé, trois ans plus tard, gouverneur du Massachuset, il accrut encore son impopularité par le superstitieux aveuglement qui lui fit condamner au feu, avec l’aide de son âme damnée Mather, un grand nombre de personnes légèrement accusées de sorcellerie. Il mourut en 1695, négligé par la cour et peu estimé de ses compatriotes.

C’est ainsi que se dissipa ce noir orage qui avait menacé tout d’abord d’écraser la petite colonie française du Canada. Notre pays qui ne comptait que onze mille habitants venait de repousser l’invasion des colonies

  1. Tous les détails qui précèdent sont strictement historiques.
  2. « Si les Anglais ne réussirent pas, remarque La Hontan (nouveaux voyages, vol. I) c’est qu’ils ne connaissaient aucune discipline militaire… et que le chevalier William Phips manqua tellement de conduite en cette entreprise, qu’il n’aurait pu mieux faire s’il eût été d’intelligence avec nous pour demeurer les bras croisés. »
  3. M. Ferland pages 229 et 231. — M. Garneau dit que les Anglais perdirent plus de mille hommes dans cette expédition. 3e édit. vol. I, p. 323.