force à faire tomber les oreilles des chiens de monseigneur, tant ils paraissent souffrir de l’entendre brailler ainsi. Du reste, c’est doux comme un agneau, monsieur Boisdon.
— On peut le voir ?
— Certainement, certainement, répondit Saucier qui n’était pas fâché d’éloigner son créancier à si bon marché. Vous verrez un peu les jolis morceaux d’or dont ce gredin-là s’est orné les oreilles.
Ici, les yeux de l’avare acquirent presque la grandeur naturelle à ces organes chez les autres hommes. Mais il ne voulait rien laisser percer de sa convoitise.
— Bah ! fit-il d’un air de doute, quelque morceau de cuivre !
— Oui, du cuivre ! allez voir un peu, monsieur Boisdon, et vous me direz après si vous n’en voudriez pas quelques jointées de ce cuivre-là. D’autant plus que le gaillard a bien su, paraît-il, le cacher aux soldats sur la route ; et ce n’est que depuis son arrivée au château que l’Iroquois a remis ses pendants d’oreilles. Il sait, voyez-vous, qu’il est sous la protection du gouverneur.
— Je voudrais bien voir ça, dit l’hôtelier d’un air à moitié convaincu.
— Quoi, ça ? l’or ou le prisonnier ?
— Oui, l’or… c’est-à-dire le sauvage.
— On va vous les faire voir. Holà ! Moutonnet, arrive ici, cria-t-il à un aide qui s’occupait dans un coin à chercher des limaces entre les feuilles d’un chou ; allons ! vite, et va montrer à monsieur Boisdon la chambre du sauvage. Et n’oublie pas de dire à la sentinelle que monsieur est de nos amis, fit-il en donnant une tape amicale sur l’abdomen de Jean Boisdon qui passait devant lui.