Page:Marmette - Heroisme et Trahison - 1880.djvu/199

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qui ne vous connaît pas. Cependant les Iroquois qui me poursuivoient, se voyant trop éloignés de moi pour me prendre en vie auparavant que je pusse entrer dans le fort, et se sentant assez proches pour me tuer à coups de fusil, s’arrêtèrent pour faire leur décharge sur moi. Je l’essuyai pendant longtems, ou du moins elle m’ennuya fort. Les balles de 45 fusils qui me siffloient aux oreilles me faisoient paraître le tems bien long et l’éloignement du fort bien considérable quoique j’en fusse bien proche. Étant à portée de m’entendre, je criai, aux armes, aux armes ! espérant que quelqu’un sortiroit pour venir me secourir, mais en vain. Il n’y avoit dans le fort que deux soldats qui saisis de frayeur s’étoient retirés dans la redoute pour se cacher. Enfin arrivée à la porte je trouvai deux femmes qui pleuroient leurs maris qui venoient d’être tués. Je les fis entrer malgré elles dans le fort, dont je fermai moi-même les portes. Alors je pensai à me mettre moi et le petit nombre de personnes qui m’accompagnoient à couvert des insultes des Barbares. Je fis la visite du fort, je trouvai plusieurs pieux tombés qui faisoient des brèches par où il étoit facile aux ennemis d’entrer. Je donnai mes ordres pour les faire relever, et sans avoir égard à mon sexe, ni à la faiblesse de mon âge, je prenois un pieu par un bout en encourageant les personnes qui étoient avec moi à le relever : j’éprouvai que quand Dieu donne des forces il n’y a rien d’impossible. Les brèches du fort réparées, je m’en allai à la redoute qui servoit de corps de garde où étoient les munitions de guerre. J’y trouvai les deux soldats, l’un caché, l’autre qui tenoitune mèche allumée. Je demandai à celui-ci : que voulez-vous faire de cette mèche ? C’est pour mettre le feu aux poudres, me répondit-il, pour nous faire sauter. Vous