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Page:Marmier - En Alsace, 1884.pdf/16

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et la belle Sabine, que l’imagination du peuple se plaît à idéaliser. Elle s’avance, la noble artiste, vêtue d’une longue robe blanche, tenant d’une main le marteau et de l’autre le ciseau avec lesquels elle a sculpté tant d’imposantes figures de l’Ancien et du Nouveau Testament : la figure symbolique de l’Église chrétienne, Salomon et les apôtres, et l’Assomption de la Vierge.

Tous les braves ouvriers s’inclinent avec respect devant elle. Tous se reconnaissent et se saluent avec affection. Tous vont visiter les diverses parties de l’édifice auquel ils ont travaillé avec ardeur. Ils entrent dans le sanctuaire, ils pénètrent dans les chapelles, ils gravissent l’escalier de la plate-forme et les tourelles qui la surmontent. Ils se rappellent avec une pieuse émotion le temps où ils taillaient ces pierres, où ils dressaient ces hautes colonnes, où ils arrondissaient ces arceaux, où ils découpaient le feuillage, les chapiteaux et sculptaient ces innombrables statues de saints, de martyrs, de patriarches. Les étoiles qui brillent au ciel, les feux allumés en l’honneur de la Saint-Jean les éclairent dans leur marche et illuminent leur monument. Ils se réjouissent d’avoir fait un si bel emploi de leur vie et de voir leur grande œuvre si bien conservée. Puis l’heure sonne où ils doivent rentrer dans le silence de leur sépulture. Ils se saluent de nouveau et se quittent en se disant : « À l’année prochaine, à la fête de la Saint-Jean ».

La plupart des livres que nous avons cités ont paru avant 1870. Depuis cette année lamentable, l’Alsace, dans son assujettissement à la Prusse, n’a cessé de manifester par ses publications son attachement à la France et à la langue française.

Les héritiers d’une très aimée et très honorée maison, MM. Berger-Levrault, qui, après la guerre, ont transporté de Strasbourg à Nancy leur imprimerie et leur librairie, ajoutent chaque année quelques nouveaux livres à leur catalogue d'Alsatica. Ils se souviennent des généreux enseignements de leur père, et ils ont fondé, avec M. Seinguerlet, une revue mensuelle pour défendre les intérêts de l’Alsace et de la Lorraine.

À Strasbourg, en 1880, la librairie Haguenau a commencé avec M. le Roy de Sainte-Croix deux collections, qui, je l’es-