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Page:Marmier - En Alsace, 1884.pdf/4

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Comme les oiseaux, comme les germes des plantes, comme les troncs d’arbres que le Gulf-stream roule dans ses flots, la poésie populaire voyage au loin et s’arrête en différentes régions. Au moyen âge, combien de contes d’Orient ont été importés en Europe par les pèlerins, par les croisés et les marchands ! La traduction en a d’abord altéré le texte primitif. Selon la nature, le caractère, les coutumes de la contrée où ils sont introduits, ils subissent encore diverses modifications. Puis les voilà naturalisés, on les incorpore dans la collection des contes indigènes, et la vieille femme qui les répète en filant sa quenouille et l’auditoire qui les écoute ne se doutent point du long chemin qu’ils ont fait.

Telle est la gloire de ces naïfs récits. Ils ont éclairé l’ignorance de l’enfant et ravivé la mémoire du vieillard. Ils ont, par la transmission orale, ému et charmé les générations de plusieurs siècles. Maintenant nous les voyons correctement imprimés dans tous les dialectes, entourés d’images artistiques, annotés par le philologue, commentés par le moraliste. L’humble littérature du peuple est devenue une littérature scientifique dans laquelle la France s’est acquis une nouvelle distinction. Mais qui prévoit jusqu’où peut aller la science ? N’a-t-on pas découvert dans l’histoire du Petit-Poucet et de Cendrillon deux mythes astronomiques ? Non. C’est impossible. Oh ! valeureux Petit-Poucet, et vous, douce et belle Cendrillon, je me souviens de l’émotion que je ressentais dans mon enfance en apprenant vos infortunes. Vraie était cette émotion, vraie aussi est votre histoire, et jamais on ne me fera croire que vous n’avez réellement pas existé.

Sauf quelques fleurs exotiques, le livre de M. Stœber est essentiellement alsacien. L’une de ces plus mémorables légendes est celle de sainte Odile. Elle nous représente le combat de la vertu contre la fureur barbare, la victoire de la douceur sur la violence, la chute du paganisme, le triomphe de l’Évangile. Dans cette miraculeuse épopée, les pierres mêmes s’attendrissent à la vue de la jeune sainte. Poursuivie par une troupe d’hommes féroces, elle s’arrête au pied d’un roc, elle ne peut aller plus loin. Ses ennemis vont l’atteindre.