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Page:Marmier - En Alsace, 1884.pdf/8

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de quelque autre que ce puisse être, de manière qu’aucun empereur ni aucun prince de la maison d’Autriche ne pourra en aucun temps prétendre ni usurper un pouvoir ou droit quelconque sur lesdits pays tant en-deçà qu’au-delà du Rhin [1]. »

Strasbourg restait en dehors de ce traité, à l’état de ville libre et impériale tenant séance aux diètes de l’empire, avec les souverainetés de premier ordre. Mais sans violence, sans aucune effusion de sang, par de pacifiques arrangements elle devait être aussi annexée à la France. Voici le fait qui a été raconté par plusieurs historiens :

« Un matin, M. de Louvois, ministre de la guerre, fit appeler M. de Chamilly pour le charger d’une mission et lui donner des instructions en ces termes : « Partez ce soir même pour Bâle, en Suisse. Vous y serez dans trois jours ; le quatrième, à deux heures précises après midi, vous vous établirez sur le pont du Rhin avec un cahier de papier, une plume et de l’encre. Vous examinerez et écrirez avec la plus grande exactitude tout ce qui se passera sous vos yeux pendant deux heures. À quatre heures précises, vous aurez des chevaux de poste à votre voiture ; vous partirez, vous courrez jour et nuit et m’apporterez votre cahier d’observations. À quelque heure que vous arriviez, présentez-vous chez moi. »

M. de Chamilly, quoique fort étonné d’une mission qui lui semblait puérile, obéit. Il arrive à Bâle, se place au jour et au moment indiqués sur le pont, et écrit tout ce qu’il voit passer. C’est une marchande fruitière avec ses paniers, un voyageur à cheval, en habit bleu, un paysan, des portefaix, etc. À trois heures, un homme en veste et culotte jaune s’arrête au milieu du pont, s’avance du côté du fleuve, s’appuie sur le parapet, regarde l’eau, recule d’un pas, et avec un gros bâton frappe trois coups bien distinctement sur la balustrade. Tous ces incidents et bon nombre d’autres qui paraissaient sans importance sont notés ponctuellement. Quatre heures sonnent. M. de Chamilly remonte dans sa voiture, arrive chez le mi-

  1. Le Roy de Sainte-Croix, les Anniversaires glorieux de l’Alsace, p. 10.