Page:Marmier - Les Perce-Neige, 1854.djvu/21

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Mais ce qui animait l’imagination de la jeune fille bien plus que les qualités aimables du colonel et son intéressante pâleur, et son bras en écharpe, c’était son silence. Elle voyait bien qu’elle lui plaisait ; et, de son côté, Vourmin, avec son talent d’observation et son expérience, devait reconnaître qu’elle ne lui était pas défavorable. Pourquoi donc ne l’avait-elle pas vu à ses pieds ? pourquoi ne lui avait-il pas fait sa déclaration ? Qui pouvait l’arrêter ? Était-ce la crainte inséparable de tout véritable amour, ou l’orgueil ou la coquetterie d’un rusé séducteur ? Elle essayait en vain de résoudre ce problème. Cependant, après y avoir gravement réfléchi, elle se dit que la crainte devait être la cause de son silence et résolut de l’encourager par quelques nouvelles marques d’attention, peut-être même par quelques avances. Elle arrangea elle-même tout son petit roman et attendit l’heure où il aboutirait à un tendre aveu. Le mystère, quelle que soit son origine, pèse toujours au cœur de la femme ; ses ruses de guerre eurent le succès qu’elle en espérait. Vourmin y fut pris, il devint si rêveur, et, quand il regardait Marie, ses yeux noirs avaient une telle expression, que la jeune fille devait croire à l’approche du moment décisif. Déjà les voisins parlaient du mariage comme d’une affaire résolue, et Petrowna se réjouissait de penser que sa fille aurait enfin un époux digne d’elle.

Un jour que la bonne vieille mère était dans son