Page:Marmier - Les Perce-Neige, 1854.djvu/25

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— Commencez ! commencez ! mon révérend père, lui répondis-je étourdiment.

On aida la jeune fille à se lever ; elle me sembla jolie. Par une légèreté inconcevable, impardonnahle, je m’avançai avec elle vers le pupitre ; sa servante et trois hommes la soutenaient et n’étaient occupés que d’elle. Un instant après, nous étions mariés !

— Embrassez-vous, nous dit-on.

Ma femme tourna vers moi un visage pâle ; puis soudain s’écria :

— Ce n’est pas lui ! ce n’est pas lui !

Et elle tomba à la renverse.

Le prêtre jeta sur moi un regard furieux. Je sortis de l’église sans qu’on essayât. de m’arrêter ; je repris mon traîneau et m’éloignai.

— Grand Dieu ! s’écria Marie, et vous ne savez ce qui est advenu de cette pauvre femme ?

— Je ne sais rien, je ne sais pas même le nom du village où je me suis marié, et je ne me rappelle pas celui de la station d’où j’étais parti. J’attachai alors si peu d’importance à ma criminelle légèreté, qu’en remontant dans mon traîneau je m’endormis et ne me réveillai qu’en arrivant à une autre station. Le domestique que j’avais alors avec moi est mort à la guerre ; de sorte qu’il ne reste plus un espoir de retrouver le lieu où j’ai commis une folie que j’expie aujourd’hui si cruellement.