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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/106

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MÉMOIRES DE MARMONTEL

Un jour, l’un de nos directeurs vint à moi, et me demanda pourquoi je m’isolois et ne me tenois pas en société avec mes camarades. Je lui répondis que j’étois le moins jeune, et qu’à mon âge on étoit bien aise d’avoir quelques momens à soi pour recueillir, classer et ranger ses idées ; que j’aimois à me rendre compte de mes études, de mes lectures, et qu’ayant le malheur de manquer de mémoire, je ne pouvois y suppléer qu’à force de méditation. Cette réponse engagea l’entretien. Mon sulpicien voulut savoir où j’avois fait mes classes, quel système j’avois soutenu dans mes thèses, et pour quel genre de lecture je me sentois le plus de goût. Je répondis à tout cela. Vous pensez bien qu’un directeur du séminaire de Limoges ne s’attendoit pas, en interrogeant un écolier de dix-huit ans, à trouver en lui un grand fonds de connoissances, et que mon petit magasin dut lui paroître un petit trésor.

Je présumai bien du succès de mon début, lorsque le soir, à l’heure de la promenade, au lieu d’un sulpicien j’en vis arriver deux. Ce fut là que le fruit de mes lectures de Clermont acquit une valeur réelle. J’avois dit que mon goût de prédilection étoit pour l’éloquence, et j’avois rapidement nommé ceux de nos orateurs chrétiens que j’admirois le plus. On me remit sur cette voie. Il fallut les analyser, marquer distinctement leurs