Aller au contenu

Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
MÉMOIRES DE MARMONTEL

que je savois presque par cœur. Ensuite je ne sais comment on parla des poètes. Je convins que j’en avois lu quelques-uns, et je nommai le grand Corneille. « Et le tendre Racine, me demanda l’un des sulpiciens, l’avez-vous lu ? — Oui, je m’en accuse, lui dis-je ; mais Massillon l’avait lu avant moi, et c’est de lui qu’il avoit appris à parler au cœur avec tant d’onction et de charme. Et pensez-vous, lui demandai-je, que Fénelon, l’auteur du Télémaque, n’eût pas lu et relu vingt fois dans l’Énéide les amours de Didon ? »

À propos de Virgile, on en vint aux livres classiques ; et ces messieurs, qui ne savoient pas combien, grâce à mon infortune, je devois être imbu de cette vieille latinité, furent surpris de voir comme j’en étois plein. Vous croyez bien que je me donnois tout le plaisir de la répandre. Je n’en tarissois point. Vers et prose couloient de source, et j’avois encore l’air de n’en pas citer davantage de peur de les en accabler.

Je finis par un étalage de ma fraîche érudition de Saint-Bonet. Les livres de Moïse et ceux de Salomon avoient déjà passé sur le tapis ; j’en étois aux saints pères lorsque arriva le jour d’aller recevoir la tonsure. Ce jour-là donc, après notre

    taigu (1652-1689) ont été publiés pour la première fois en 1691, et réimprimés en 1734, 1738, 1756 (in-12 et in-24).