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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/110

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MÉMOIRES DE MARMONTEL

tion, vous n’aurez plus, pour vous et pour votre famille, qu’à mériter qu’il vous protège, en usant bien des dons que le Ciel vous a faits. » Je rendis grâces à mon évêque de ses bonnes intentions ; mais je lui demandai le temps d’en instruire ma mère et de la consulter, ne doutant pas qu’elle n’y fût sensible autant que je l’étois moi-même.

Mon bon curé, de qui j’allai prendre congé, fut transporté de joie en apprenant ce qu’il appeloit un coup du Ciel en ma faveur. Qu’auroit-il dit, s’il avoit pu prévoir que cet archevêque de Bourges seroit grand aumônier, cardinal, ministre de la feuille des bénéfices, et que l’éloquence, à laquelle j’avois dessein de me vouer, alloit avoir sous ce ministère les occasions les plus intéressantes de se signaler à la cour ? Il est certain que, pour un jeune ecclésiastique qui, avec beaucoup d’ambition, auroit eu assez de talens, il s’ouvroit devant moi une belle carrière. Une vaine délicatesse, une plus vaine illusion m’empêcha d’y entrer. J’ai eu lieu d’admirer plus d’une fois comment se noue et se dénoue la trame de nos destinées, et de combien de fils déliés et fragiles le tissu en est composé.

Arrivé à Linars, j’écrivis à ma mère que je venois de prendre la tonsure sous de favorables auspices ; que j’avois reçu de l’évêque les plus touchantes marques de bonté ; qu’au plus tôt j’irois l’en instruire. Le même jour je reçus d’elle un exprès