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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/118

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MÉMOIRES DE MARMONTEL

plus, l’un et l’autre, occupés que de mes affaires.

La protection de l’évêque, sa recommandation, la perspective qu’elle m’offroit, parurent à ma mère tout ce qu’il y avoit de plus heureux pour moi, et je pensois alors comme elle. Mon étoile (et je dis à présent, mon heureuse étoile) me fit changer d’opinion. Cet incident m’oblige encore à revenir sur le passé.

J’ai lieu de croire que, depuis l’examen du préfet de Clermont, les jésuites avoient jeté les yeux sur moi. Deux de mes condisciples, et des plus distingués, étoient déjà pris dans leurs filets. Il étoit possible qu’on voulût m’y attirer, et un fait assez curieux, dont j’ai gardé la souvenance, me persuade au moins qu’on y avoit pensé.

Dans le peu de loisirs que j’avois à Clermont, je m’étois fait un amusement du dessin, et, comme j’en avois le goût, l’on m’en supposoit le talent. J’avois l’œil juste et la main sûre ; il n’en falloit pas davantage pour l’objet qui me fit un jour appeler auprès du recteur. « Mon enfant, me dit-il, je sais que vous vous amusez à dessiner l’architecture, et je vous ai choisi pour me lever un plan : c’est celui de notre collège ; examinez bien l’édifice, et, après en avoir exactement tracé l’enceinte, figurez-en l’élévation. Apportez-y le plus grand soin, car votre ouvrage sera mis sous les yeux du roi. »