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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/298

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mourut à Paris, aussi regretté parmi nous que dans sa patrie. C’étoit, par excellence, ce qu’on appelle un galant homme, noble, sensible, généreux, plein de loyauté, de franchise, de politesse et de bonté, et il réunissoit ce que les deux caractères de l’Anglois et du François ont de meilleur et de plus estimable. Il avoit pour maîtresse une fille accomplie, et à qui l’envie elle-même n’a jamais reproché que de s’être donnée à lui. Je m’en fis une amie ; c’étoit un moyen sûr de me faire un ami de milord d’Albemarle. Le nom de cette aimable personne étoit Gaucher : son nom d’enfance et de caresse étoit Lolotte. C’étoit à elle que son amant disoit, un soir qu’elle regardoit fixement une étoile : « Ne la regardez pas tant, ma chère ; je ne puis pas vous la donner. » Jamais l’amour ne s’est exprimé plus délicatement. Celui de milord honoroit son objet par la plus haute estime et par le respect le plus tendre, et il n’étoit pas le seul qui eût pour elle ces sentimens. Aussi sage que belle, un seul homme avoit su lui plaire ; et la plus excusable des erreurs où l’extrême jeu-

    jours dit du bien » ; son amant lui laissa un mobilier d’environ 20,000 écus. Les Mémoires secrets (23 septembre 1782) l’accusent crûment d’avoir rempli le rôle d’espionne près de l’ambassadeur et prétendent que, de ce chef, elle toucha jusqu’à sa mort (1765) une pension de 12,000 francs que lui faisait le ministère.