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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/314

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Chauvelin[1], qui lui fait je ne sais quel conte assez plaisant ; et Voltaire de rire aux éclats avec lui. Je ris aussi, en m’en allant, de voir dans ce grand homme la facilité d’un enfant à passer d’un extrême à l’autre dans les passions qui l’agitoient. Une seule étoit fixe en lui et comme inhérente à son âme : c’étoit l’ambition et l’amour de la gloire ; et, de tout ce qui flatte et nourrit cette passion, rien ne lui étoit indifférent.

Ce n’étoit pas assez pour lui d’être le plus illustre des gens de lettres ; il vouloit être homme de cour. Dès sa jeunesse la plus tendre, il avoit pris la flatteuse habitude de vivre avec les grands. D’abord, la maréchale de Villars, le grand-prieur de Vendôme, et, depuis, le duc de Richelieu, le duc de La Vallière, les Boufflers, les Montmorency, avoient été son monde. Il soupoit avec eux habituellement, et l’on sait avec quelle familiarité respectueuse il avoit l’art de leur écrire et de leur parler. Des vers légèrement et délicatement flatteurs, une conversation non moins séduisante que ses poésies, le faisoient chérir et fêter parmi cette

  1. Jacques-Bernard de Chauvelin (1701-1767), maître des requêtes, en 1728, intendant d’Amiens en 1731 et intendant des finances en 1753, frère aîné de l’abbé Henri-Philippe de Chauvelin, dont il a été question page 164, et du marquis François-Claude de Chauvelin, ancien ambassadeur de France à Tunis, mort subitement le 24 juin 1773, à la table de jeu de Louis XV.