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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/92

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MÉMOIRES DE MARMONTEL

accueil acheva de me persuader ce que m’avoit dit ma voisine. « Je viens, mon père, lui répondis-je, prendre congé de vous. — Vous vous en allez ? — Oui, mon père, je m’en vais à Riom, où les Pères oratoriens me donneront dans leur collège autant d’écoliers que j’en voudrai. — Quoi ! mon enfant, vous nous quittez ! Vous, élevé dans nos écoles, vous en seriez transfuge ! — Hélas ! c’est à regret ; mais vous ne pouvez rien pour moi ; et j’ai l’assurance que ces bons pères… — Ces bons pères n’ont que trop l’art de séduire et d’attirer les jeunes gens crédules comme vous ; mais soyez bien sûr, mon enfant, qu’ils n’ont ni le crédit ni le pouvoir que nous avons. — Ayez donc, mon père, celui de me donner à travailler pour vivre. — Oui, j’y pense, je m’en occupe, et en attendant je m’en vais pourvoir à vos besoins. — Qu’appelez-vous, mon père, pourvoir à mes besoins ? Apprenez que ma mère se priveroit de tout plutôt que de souffrir qu’un étranger vînt à mon aide. Mais je ne veux plus recevoir aucun secours, même de ma famille ; et c’est du fruit de mon travail que je demande à subsister. Donnez-m’en les moyens vous-même, ou je vais les chercher ailleurs. — Non, non, vous n’irez point, reprit-il ; je vous le défends. Suivez-moi ; votre professeur a pour vous de l’estime ; allons le voir ensemble. » Et de ce pas il me mena chez mon professeur. « Savez--