Aller au contenu

Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

admirable dans l’art de peindre l’eau, l’air, la lumière et le jeu de ces élémens, avoit tous les modèles de ces compositions très vivement présens à la pensée ; mais, hors de là, quoique assez gai, c’étoit un homme du commun. Soufflot étoit un homme de sens, très avisé dans sa conduite, habile et savant architecte ; mais sa pensée étoit inscrite dans le cercle de son compas. Boucher avoit du feu dans l’imagination, mais peu de vérité, encore moins de noblesse ; il n’avoit pas vu les grâces en bon lieu ; il peignoit Vénus et la Vierge d’après les nymphes des coulisses ; et son langage se ressentoit, ainsi que ses tableaux, des mœurs de ses modèles et du ton de son atelier. Lemoyne, le sculpteur, étoit attendrissant par la modeste simplicité qui accompagnoit son génie ; mais sur son art même, qu’il possédoit si bien, il parloit peu, et, aux louanges qu’on lui donnoit, il répondoit à peine : timidité touchante dans un homme dont le regard étoit tout esprit et tout âme ! La Tour avoit de l’enthousiasme, et il l’employoit à peindre les philosophes de ce temps-là ; mais, le cerveau déjà brouillé de politique et de morale, dont il croyoit raisonner savamment, il se trouvoit humilié lorsqu’on lui parloit de peinture. Vous avez de lui, mes enfans, une esquisse[1] de

  1. Cette esquisse, qui n’a figuré, que je sache, à aucune