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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/110

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le restaurateur du style simple, des formes simples, du beau simple, que les ignorans le croyoient ; et, par ses relations avec les dilettanti, il se faisoit passer en Italie et dans toute l’Europe pour l’inspirateur des beaux-arts. J’avois donc pour lui cette espèce d’antipathie naturelle que les hommes simples et vrais ont toujours pour les charlatans.

Après avoir dîné chez Mme Geoffrin avec les gens de lettres ou avec les artistes, j’étois chez elle encore, le soir, d’une société plus intime, car elle m’avoit fait aussi la faveur de m’admettre à ses petits soupers. La bonne chère en étoit succincte : c’étoit communément un poulet, des épinards, une omelette. La compagnie en étoit peu nombreuse : c’étoient tout au plus cinq ou six de ses amis particuliers, ou un quadrille d’hommes et de femmes du plus grand monde, assortis à leur gré, et réciproquement bien aises d’être ensemble. Mais, quel que fût ce petit cercle de convives, Bernard et moi nous en étions. Un seul avoit exclu Bernard et n’avoit agréé que moi. Le groupe en étoit composé de trois femmes et d’un seul homme. Les trois femmes, assez semblables aux trois déesses du mont Ida, étoient la belle comtesse de Brionne[1], la belle marquise de Du-

  1. Louise-Charlotte de Grammont, épouse de Charles-Louis de Lorraine, comte de Brionne.