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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/127

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mais, tout en écrivant, je me souvins qu’à propos de Venceslas et des mensonges publiés contre moi le duc d’Aumont m’avoit écrit lui-même qu’il falloit mépriser ces choses-là, et qu’elles tomboient d’elles-mêmes lorsqu’on ne les relevoit point. Je trouvai naturel et juste de lui renvoyer sa maxime, en quoi je fis une sottise. Aussi ma lettre fut-elle prise pour une nouvelle insulte, et le duc d’Aumont la produisit au roi comme la preuve du ressentiment qui m’avoit dicté la satire. Me moquer de lui en la désavouant, n’étoit-ce pas m’en accuser ? Ma lettre ne fit donc qu’attiser sa colère et celle de toute la cour. Je ne laissai pas de me rendre à Versailles, et, en y arrivant, j’écrivis au duc de Choiseul :


Monseigneur,

On me dit que vous prêtez l’oreille à la voix qui m’accuse et qui sollicite ma perte. Vous êtes puissant, mais vous êtes juste ; je suis malheureux, mais je suis innocent. Je vous prie de m’entendre et de me juger.

Je suis, etc.

Le duc de Choiseul, pour réponse, écrivit au bas de ma lettre, dans demi-heure, et me la renvoya. Dans demi-heure je me rendis à son hôtel, et je fus introduit.

« Vous voulez que je vous entende, me dit-il,