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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/186

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blanc, j’en ai du meilleur. » Je me fiai à sa parole, et ce vin, dont elle ne prit que cinquante sous la bouteille, ne se trouva pas moins que du nectar.

Pressés de nous rendre à Genève, nous ne nous donnâmes pas même le temps de voir Lyon, réservant pour notre retour le plaisir d’admirer dans ce grand atelier du luxe les chefs-d’œuvre de l’industrie.

Rien de plus singulier, de plus original, que l’accueil que nous fit Voltaire. Il étoit dans son lit lorsque nous arrivâmes. Il nous tendit les bras ; il pleura de joie en m’embrassant ; il embrassa de même le fils de son ancien ami M. Gaulard. « Vous me trouvez mourant, nous dit-il ; venez-vous me rendre la vie ou recevoir mes derniers soupirs ? » Mon camarade fut effrayé de ce début ; mais moi, qui avois cent fois entendu dire à Voltaire qu’il se mouroit, je fis signe à Gaulard de se rassurer. En effet, le moment d’après, le mourant nous faisant asseoir auprès de son lit : « Mon ami, me dit-il, que je suis aise de vous voir ! surtout dans le moment où je possède un homme que vous serez ravi d’entendre. C’est M. de L’Écluse, le chirurgien-dentiste du feu roi de Pologne, aujourd’hui seigneur d’une terre[1] auprès de Montargis, et qui a

  1. Le Tilloy, commune de Corbeilles-Gâtinais, arrondissement de Montargis, canton de Ferrières (Loiret).