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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/203

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troisième nous tourne la tête. C’est l’ouvrage d’un jeune fou, plein de verve et d’audace, qui ne ménage rien, qui brave tous les préjugés littéraires, qui parle des poètes en poète et qui les peint tous de leur propre couleur, avec une pleine franchise ; ose louer Lucain et censurer Virgile, venger le Tasse des mépris de Boileau, apprécier Boileau lui-même et le réduire à sa juste valeur. D’Olivet en est furieux ; il dit que l’Académie se déshonore si elle couronne cet insolent ouvrage, et je crois cependant qu’il sera couronné. » Il le fut ; mais, lorsque je me présentai pour recevoir le prix, d’Olivet jura qu’il ne me le pardonneroit de sa vie.

Ce fut, je crois, dans ce temps-là que je publiai ma traduction de la Pharsale : dès lors, la rhétorique et la poétique se partagèrent mes études ; et mes Contes, par intervalles, leur dérobèrent quelques momens.

C’étoit surtout à la campagne que cette manière de rêver m’étoit favorable, et quelquefois l’occasion m’y faisoit rencontrer d’assez heureux sujets. Par exemple un soir, à Bezons, où M. de Saint-Florentin avoit une maison de campagne, étant à souper avec lui, comme on me parloit de mes Contes : « Il est arrivé, me dit-il, dans ce village, une aventure dont vous feriez peut-être quelque chose d’intéressant. » Et, en peu de mots, il me raconta qu’un jeune paysan et une jeune paysanne,