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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/216

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Paulmy et Séguier, complotèrent de donner eux-mêmes des boules noires qu’on ne manqueroit pas d’attribuer aux philosophes ; et en effet quatre boules noires se trouvèrent dans le scrutin.

Grand étonnement, grand murmure de la part de ceux qui les avoient données ; et, les yeux fixés sur les quatre auxquels s’attachoit le soupçon, les fourbes disoient hautement qu’il étoit bien étrange qu’un homme aussi irrépréhensible et aussi estimable que M. l’abbé de Radonvilliers essuyât l’affront de quatre boules noires. L’abbé d’Olivet s’indignoit d’un scandale aussi honteux, aussi criant ; les quatre philosophes avoient l’air confondu. Mais la chance tourna bien vite à leur avantage, et à la honte de leurs ennemis. Voici par quel coup de baguette. L’usage de l’Académie, en allant au scrutin des boules, étoit de distribuer à chacun des électeurs deux boules, une blanche et une noire. La boîte dans laquelle on les faisoit tomber avoit aussi deux capsules, et au-dessus deux gobelets, l’un noir et l’autre blanc. Lorsqu’on vouloit être favorable au candidat, on mettoit la boule blanche dans le gobelet blanc, la noire dans le noir ; et, lorsqu’on lui étoit contraire, on mettoit la boule blanche dans le gobelet noir, la noire dans le blanc. Ainsi, lorsqu’on vérifioit le scrutin, il falloit retrouver le nombre des boules, et en trouver autant de blanches dans la