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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/221

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parleroient au diable pour m’ôter une seule voix ; mais ce que j’ai dit autrefois en vers, je l’éprouve : moi-même :


L’amitié se rebute, et le malheur la glace ;
La haine est implacable, et jamais ne se lasse.


— Vous serez de l’Académie malgré vos ennemis, reprit-il. — Non, Monsieur, non, je n’en serai point, et je ne veux point en être. Je serois ballotté, supplanté, insulté par un parti déjà trop nombreux et trop fort. J’aime mieux vivre obscur ; pour cela, grâce au Ciel, je n’aurai besoin de personne. — Mais, Marmontel, vous vous fâchez, je ne sais pas pourquoi… — Ah ! je le sais bien, moi l’ami de mon cœur, l’homme sur qui je comptois le plus au monde, n’a que deux mots à dire pour me tirer de l’oppression… — Eh bien ! morbleu ! je les dirai ; mais rien ne m’a tant coûté en ma vie. — Duclos a donc des torts bien graves envers vous ? — Comment ! vous ne savez donc pas avec quelle insolence, en pleine Académie, il a parlé du roi de Prusse ? — Du roi de Prusse ! et que fait à ce roi une insolence de Duclos ? Ah ! d’Alembert, ayez besoin de mon ennemi le plus cruel, et que, pour vous servir, il ne s’agisse que de lui pardonner, je vais l’embrasser tout à l’heure. — Allons, dit-il, ce soir je me réconcilie avec Duclos ; mais qu’il vous serve bien, car ce n’est