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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/230

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avoit cinq couplets, vous n’en citez que trois. — Hélas ! Madame, j’ai cité les meilleurs, et je n’ai retranché que ceux qui répétoient la même idée. — Vraiment ! c’est de quoi il se plaint, que vous ayez voulu corriger son ouvrage. Il ne vous le pardonnera ni à la vie ni à la mort. — Qu’il vive donc, Madame, et qu’il meure mon ennemi pour ses deux couplets de chanson ; je supporterai ma disgrâce. Et le bon président, quelle est envers lui mon offense ? — Il ne me l’a point dit ; mais c’est encore, je crois, de votre livre qu’il se plaint. Je le saurai. » Elle le sut. Mais, quand il fallut me le dire et que je l’en pressai, ce fut une scène comique dont l’abbé Raynal fut témoin.

« Eh bien ! Madame, vous avez vu le président Hénault ; vous a-t-il dit enfin quel est mon tort ? — Oui, je le sais ; mais il vous le pardonne, il veut bien l’oublier ; n’en parlons plus. — Au moins, Madame, dois-je savoir quel est ce crime involontaire qu’il a la bonté d’oublier. — Le savoir, à quoi bon ? cela est inutile. Vous aurez sa voix, c’est assez. — Non, ce n’est pas assez, et je ne suis pas fait pour essuyer des plaintes sans savoir quel en est l’objet. — Madame, dit l’abbé Raynal, je trouve que M. Marmontel a raison. — Ne voyez-vous pas, reprit-elle, qu’il ne veut le savoir que pour en plaisanter et pour en faire un conte ? — Non, Madame, je vous promets